vendredi 16 avril 2010

Memento Mori

Haaaaaaaa! Voilà, enfin, j'ai trouvé un petit créneau pour foncer au musée Maillol voir cette expo sur les vanités, et ça valait le détour.

Beaucoup d'oeuvres, anciennes, contemporaines, des tableaux, des sculptures, des photos, des bijoux, des objets plus anecdotiques, le tout composant un ensemble complet, cohérent, et très agréable. Agréable et vecteur de réflexion, quand même. Il faut dire que c'est un peu le but des vanités: la figuration du crâne évoque la mort, la périssabilité de toute chose, et donc la nécessité de vivre fort tant qu'on peut; la futilité des biens matériels, aussi... Du coup, placer ce symbole dans l'Art est un paradoxe intéressant: le périssable devient pérenne.

Depuis les premières figurations d'une tête de mort (mosaïque de Pompéï)


jusqu'aux aux radiographies et sculptures en plexiglass actuelles,

(Piotr Uklanski, 2003, radiographie de François Pinault, grand flippé de la mort, assimilé ici à un flibustier)

la modernisation des techniques n'a fait que servir cette préoccupation métaphysique de chaque être humain à travers les âges.

Memento mori (Souviens toi que tu vas mourir), nunc est bibendum, nunc pede libero pulsanda tellus (C'est maintenant qu'il faut boire et frapper la terre d'un pied léger, Horace) au temps des romains, la représentation des crânes se retrouve à la fin du Moyen Age dans une optique religieuse (se séparer des biens terrestres) mais aussi réaliste (Peste, Guerre de 100 ans, famines...). Ce sont les danses macabres. Les riches comme les pauvres, tout le monde y passe!

(clic)

On peut voir l'analogie avec l'art mortuaire mexicain (les calaveras), très festif, où la mort fait partie intégrante de la vie.

(Posada)

Le thème de la Vanité revient en force au 17ème siècle, avec le Siècle des Lumières et la pensée scientifique.
A l'expo du musée Maillol, 3 oeuvres majeures cohabitent dans la même salle: 3 Saint François. Grands formats fascinants.
D'autant plus intéressantes qu'elles jouent sur cette technique du clair-obscur que j'aime tant.

Celui de Delatour, fabuleux, avec la flamme de la bougie masquée. Les vraies couleurs sont chaudes, le glacis vibrant.


Celui de Zurbaran, avec ses teintes de terre, de kraft, de métal et le sujet semblant léviter.


Et enfin celui du Caravage, un de mes peintres favoris devant l'Eternel. Première fois que je vois une de ses oeuvres en vrai. Pas ma préférée, mais tout de même: Emotion!


On passe ensuite aux contemporains, les Warhol, Basquiat, Picasso, Buffet...


Qui m'ont marquée, en vrac:

Claudio Parmiggiani (Untitled, suie et fumée)


Yan Pei-Ming (grand format, beaucoup de matière, assez scotchant!)


Merdre, je n'ai pas noté la référence! Si quelqu'un connaît, merci de faire connaître le crédit...


Joel-Peter Witkin. Je suis très fan depuis longtemps, je vous prédis un article sur le bonhomme dans un avenir proche!


Dimitri Tsykalov. La pomme, autre symbole. Tsykalov est connu pour utiliser des produits périssables (comme la viande) dans ses oeuvres...


Philippe Pasqua


Jan Fabre (le crâne est recouvert d'ailes de coléoptère...), transition toute trouvée avec le grand Damien Hirst, dont plusieurs oeuvres sont exposées.

La 1ère, géante, bien démente:
Death of God: crâne, couteaux, oursins, le tout collé sur une surface circulaire cradement laquée de blanc.


Puis Fear of Death, des mouches collées et enduites de résine


Antithèse ultime à son célèbre Diamond Skull


On s'interroge vraiment, devant ce symbole là.
Gérard Wajcman résume bien: "A travers ce crâne ancien auquel on a rajouté des dents et serti plus de 1000 carats de diamants, il interroge le statut de l'objet. Marchandise artistique? Objet d'art marchand? Sa valeur est en tous cas sa valeur marchande. Quel est le statut de la mort et de son symbole dans un monde entièrement dominé par la marchandise? Ce crâne renvoie à celui d'Adam, au Golgotha, à l'origine de l'homme, à l'objet le plus spirituel de l'humanité, mais là, il s'inscrit comme la marchandise absolue. Ce crâne diamanté est un aboutissement, l'ultime représentation de ce constat. C'est une bombe."

On pourrait écrire des pages, sur cette oeuvre, sur l'ironie cynique de Hirst, sur les acheteurs de cette oeuvre la plus chère au monde...

Mais pour finir ce long article, je présenterai quelques photos du "Cabinet de curiosités": des objets de déco, des cannes, des anamorphoses, des publications...



(pas flagrant, mais je n'ai trouvé aucune meilleure image sur le Net!)


Chouettes photos de l'expo
Article sympa et vidéo ici

Et puis surtout, un bouquin fantastique: le livre des Vanités, par Elisabeth Quin, aux éditions du Regard.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Bonjour Mina, j'aime bien votre article sur cette expo. Je vous ai piqué des photos pour le mien :
http://osskoor.wordpress.com/2010/06/12/vanites-au-musee-maillol/