Jean-Louis Foulquier est mort et j'en suis triste comme les pierres.
Fondateur des Francofolies de La Rochelle (qui ont essaimé un peu partout dans le monde), il est responsable de mon amour de la musique et du live. De ma curiosité enthousiaste envers ce qui se joue, ce qui s'écoute, se regarde.
J'ai participé à la 1ère édition de ses Francos, petite sur les épaules de mon frère, pour un concert de Jacques Higelin. Ca m'a steakée de ravissement.
Alors une porte s'est ouverte sur plein d'autres portes.
La musique vivante, instantanée. Un pays des merveilles que j'explore toujours avec les mêmes étoiles dans les yeux.
J'ai ensuite grandi, à La Rochelle, avec ça, intensément, au moins une fois par an.
Je les attendais, ces Francofolies. J'économisais en prévision. Puis je m'en gavais.
Petites salles, grande salle, Parking St Jean D'Acre, les remparts derrière (d'où on peut écouter sans voir ni raquer), tout était nourriture.
Parfois sous la pluie qui gèle les os, à se demander si le feu d'artifice du 14 Juillet va avoir lieu. Et oui, il a toujours lieu.
Et il y a le gros concert ce soir-là, parfois avec des parapluies ou des bâches sur scène. Si la tête d'affiche est bonne, c'est merveilleux: la mer à gauche, les vieux remparts à droite, la musique en face, et le feu là-haut...
Foulquier avait ce don de programmer des artistes méconnus sur les mêmes plateaux que les têtes d'affiches. Une façon (pas gagnée d'avance) d'attirer le chaland vers des univers plus pointus.
Jamais vu autant de bonnes 1ères parties qu'aux Francos. Des trucs improbables: CharlElie Couture avant Stephan Eicher (oui, avant). Les Tétines Noires précédant Jad Wio, eux-même "ouvrant" pour Jean Louis Aubert...
Ca m'a un peu changé la trajectoire!
Les "Fêtes à..." certains artistes, avec des invités qui viennent "boeufer" sur scène, pouvaient être assez dingues. Je me souviens d'une soirée Noir Désir / Négresses Vertes (dont Elno) / Mano Negra d'anthologie.
J'y ai vu aussi Léo Ferré chenu. Ismaël Lô faisant asseoir par terre TOUTE la fosse de la grande scène en silence et respect. Ou un énorme champ de tournesols surréaliste et mouvant à un autre concert d'Higelin (chaque spectateur, en échange de son billet d'entrée, recevait un vrai, beau, grand tournesol pour le concert. Y en avait des milliers), Bashung, Thiéfaine 100 fois...
Monsieur Foulquier a rendu ça possible, entre autres.
Je l'avais interviewé, ado, pour la radio locale de mon collège, et il m'avait émue, avec sa gentillesse, son humour, sa passion et sa pédagogie.
Une fois déracinée, je me suis repue de son émission Pollen, sur France Inter. Dans mon 12m2 d'étudiante, pas de télé, mais un poste de radio, avec Foulquier, SuperNana ou Maurice dedans. Il m'arrivait d'aller aux enregistrements, à Paris, comme on va à un concert.
Je l'ai revu bien plus tard. Il m'appelait "la rochelaise parisienne", en ouvrant grand les bras, avec son odeur et sa voix de clope brune.
J'avais rencontré mon amoureux de l'époque, musicien, un 14 Juillet à La Rochelle, en backstage du festival. Ca le faisait tripper! Il a couvé notre couple du regard pendant 8 ans.
Je croyais Jean-Louis Foulquier aussi indéboulonnable que les belles tours qui servent de fond de scène aux grands concerts.
Par l'endroit d'où je viens; par l'éducation musicale qu'il a contribué à me forger, année après année de toute ma vie; par la curiosité et la passion dont il m'a contaminée et par sa bienveillance, je lui suis attachée comme à un membre de ma famille. Et qu'il soit mort n'y change rien. Je lui reste attachée. Et je le remercie Ô si bas.
Et j'ai beaucoup de peine.
Cette semaine, je me suis demandé "Qui va remplacer Mandela?". Aujourd'hui, je me demande qui va remplacer Jean-Louis Foulquier. Bah personne. Quelle semaine de merde.